ALPHA de Julia Ducournau : Quand le cinéma part en roue libre (et sans casque)
Il y a des films qui vous laissent sans voix.
Et puis il y a ALPHA, le dernier OVNI de Julia Ducournau, qui vous laisse plutôt avec un soupir, quelques maux de tête, et cette envie irrépressible de revoir un bon vieux Fast & Furious juste pour retrouver le sens du mot "structure".
Après le coup de tonnerre Titane, Palme d’Or à Cannes il y a trois ans — mélange de body horror, moteur V8 et poésie déviante — on attendait forcément Ducournau au tournant.
Et bien elle a tourné. Très fort.
Tellement fort qu’elle a quitté la route artistique pour foncer tout droit dans un mur conceptuel en béton armé.
Mise en scène ? Quelle mise en scène ?
Ici, la caméra semble perdue, désorientée, comme un drone en panne de GPS.
On ne sait jamais si Ducournau dirige son film ou si c’est le film qui la dirige.
Ça tremble, ça vacille, ça tourne autour du vide avec une confiance aveugle. Le moindre plan semble hurler : "Regardez comme je suis signifiant !" alors qu’il ne signifie rien, ou pire : il mime l’intelligence sans jamais la convoquer.
Esthétiquement... c’est non.
ALPHA est laid.
Pas laid au sens dérangeant ou transgressif. Laid comme une installation contemporaine ratée dans une salle municipale : couleurs baveuses, éclairages plats, filtres gris-bleutés vus mille fois, et un sens de la composition qu’on pourrait confier à un stagiaire sous acide.
Le film semble croire que laideur = audace.
Mais non.
Laideur sans idée = paresse.
Et les acteurs...
On ne leur jette pas la pierre, mais difficile de ne pas remarquer que le casting semble avoir été fait à l’envers.
Les visages sont choisis non pour leur expressivité, mais pour leur capacité à illustrer un manifeste esthétique : "plus tu es étrange, plus tu as ta place".
Ce qui pourrait fonctionner si le jeu suivait, mais hélas, non.
Le charisme est aux abonnés absents, les dialogues sont plats, et l’émotion, quand elle ose pointer le bout du nez, est immédiatement écrasée sous une avalanche de symboles lourdingues.
Une héroïne pré-ado qui louche vers... quoi au juste ?
Au centre du film, une jeune fille en crise. Elle louche (littéralement), elle s’agite, elle brûle les étapes de la puberté avec la grâce d’un bulldozer.
Elle est vulgaire, bruyante, antipathique — mais pas de cette manière fascinante à la Mathilda de Léon.
Non, juste désagréable.
Et comme l’histoire ne suit aucune logique (ni émotionnelle, ni narrative), on finit par décrocher.
Une heure trente de chaos flasque, où l’on cherche désespérément un fil rouge, un thème, un enjeu.
Rien.
Le néant narratif emballé dans du papier alu arty.
Le politiquement correct sauce festival.
Impossible d’ignorer le casting visiblement pensé pour cocher toutes les cases du bingo woke.
Tahar Rahim a perdu 30 kilos pour son rôle dans ALPHA, sans doute pour être à la hauteur du vide abyssal de son personnage — un fantôme errant entre deux scènes, aussi inutile au récit qu’un point-virgule dans un texto.
Golshifteh Farahani, la Monica Belucci irano-kurde, semble avoir confondu ALPHA avec une adaptation de Médée à la sauce kitsch, livrant une performance aussi grandiloquente que si elle jouait une tragédie grecque... dans un sous-sol mal éclairé, avec des dialogues en papier mâché.
Diversité, fluidité, inclusion… Très bien.
Mais encore faut-il que cela serve une histoire, un propos, une cohérence.
Ici, ça ressemble davantage à une démonstration qu’à une intention sincère.
À force de vouloir plaire à tout le monde, ALPHA ne touche personne.
Et finit par ressembler à un collage idéologique sans âme.
Conclusion : retour à la case départ.
ALPHA, c’est un peu comme ces œuvres d’art contemporain devant lesquelles on reste cinq minutes, en se demandant si c’est nous qui sommes idiots ou si c’est juste nul.
Spoiler : parfois, c’est juste nul.
Ducournau nous avait promis une claque.
On se retrouve avec une gifle molle, mal cadrée, donnée avec la main gauche.
Le plus triste, c’est que sous le chaos et les tics de mise en scène, on devine qu’il y avait peut-être un vrai film à faire.
Mais ALPHA, en l’état, n’est ni un film, ni une expérience, ni même une provocation.
C’est un caprice d’auteur déguisé en œuvre radicale.
Et, comme souvent avec les caprices,
on en ressort avec l’impression
d’avoir perdu son temps.
Par Giulia Dobre
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