There's much to say about “Tardes de Soledad”.
Albert Serra
proposes a documentary without voiceover, where he directly shows the reality
of bullfighting, while occasionally dramatizing or poeticizing it through the
addition of orchestral notes that echo Visconti's "Morte a Venezia."
Both on the
arena, and in the star's luxurious life.
The first setting
gives rise to a multitude of powerful shots tracking the bullfighter and the
beast.
The life of the bullfighter is systematically filmed in static shots and is particularly valuable for the post-bullfight commentary. A few very different scenes breathe new life into the whole, showing other aspects of what goes on behind the scenes.
Serra
doesn't take sides.
If you
embrace the cultural practice of bullfighting, you'll appreciate the
bullfighter's mastery; If you radically reject this practice, you will be
comforted by the dozens of shots of bulls being manhandled, disoriented,
ridiculed, insulted, tortured, finished off, and then dragged unceremoniously
to the ground.
By its very
design, the film is highly repetitive.
But you have
to accept it.
Because this
is Albert Serra, a radical filmmaker.
It's
reinvigorated by a host of micro-variations from one bout to the next.
It's
heightened by the risks taken in the arena.
It's subtly
scripted.
The
filmmaker makes every effort to keep the viewer waiting for confirmation.
The viewer,
whether connoisseur or not, remains interested in the idea of spending two
hours discovering that.
The whole
thing is extremely ritualized, like a religious ceremony.
We guess
that superstition dictates most of the ceremonial attire, the way to close a
hotel door (which we may never see again...), the handling of a silver goblet
with which he quenches his thirst.
The whole
thing also has a lot to do with sports (a very questionable sport,
admittedly...), as we spend these two hours as if we were watching a rare sport
on the small screen (billiards, curling, cricket, etc.).
Of course,
the film relies heavily on the fascinating bullfighter Andrés Roca Rey.
In this
world of over-testosteroned men, where they spend their time encouraging and
congratulating each other against a backdrop of absolute vulgarity, Roca
alternately takes on the appearance of a big child, a seducer, a woman, a
competitor, a star, a guru, a raving lunatic, etc.
The faces
and attitudes of his acolytes also prove very striking.
We witness a
unique prism on the world of bullfighting, approached in a factual, raw, and
crude manner, in the arena and behind the scenes.
With no
intention of glorifying or condemning, no lyricism or overt irony, Albert Serra
gives us a glimpse and a sound, as close as possible to the men and the bulls
(those masses of muscles harassed and put to death), as close as possible to
the gestures and facial expressions, the blank or intense stares, the trivial
or vulgar words, as close as possible to the breath, the sweat, the blood, and
the death in the animals' eyes.
Tight shots
and microphones.
No overall
view of the show or the spectators.
No
voiceover.
And so,
there's no substantial debate (everyone, depending on their beliefs, will find
what is shown noble or ridiculous, beautiful or monstrous), even if certain
situations clearly don't flatter the protagonists (the bullfighter like a
narcissistic prince in the midst of a court adept at flattery).
TARDES DE
SOLEDAD is violent because of what it shows on the bull, but also because of
what R.R. experiences, and this is very rarely narrated in Cinema.
Furthermore,
the film highlights R.R.'s feelings: enormous anxiety and absolute fear at the
stake, an indecipherable altered state when he's in the minibus or in his hotel
room. He seems almost stoned.
And we also
emerge from this with confirmation of Albert Serra's talent, which we hope to
see continue and be confirmed in future fiction films.
Giulia Dobre
April 2025
Qué cojones tienes
Albert Serra nous entraîne ici sur le terrain du
documentaire sans commentaires en voix off, ou il montre frontalement la
réalité de la corrida, tout en la dramatisant ou la poétisant ponctuellement
par l'ajout de notes d'orchestre qui font écho a « Morte a Venezia »
de Visconti.
La première donne lieu à la démultiplication de plans
puissants traquant le torero et la bête.
La seconde est systématiquement filmée en plan fixe et
vaut beaucoup par les commentaires d'après-corrida. Quelques scènes très
différentes font respirer l'ensemble, en montrant d'autres aspects des
coulisses.
Serra ne prend pas parti.
Si vous adhérez à la pratique culturelle de la corrida,
vous apprécierez la maestria du torero ; si vous rejetez radicalement cette
pratique, vous serez conforté par les dizaines de plans de taureaux malmenés,
désorientés, ridiculisés, insultés, martyrisés, achevés puis trainés au sol
sans aucun ménagement.
Par son dispositif même, le film est très répétitif.
Mais il faut l'accepter ainsi.
Car c’est du Albert Serra, cinéaste radical.
C'est mis en tension par les risques pris dans l'arène.
C'est subtilement scénarisé. spoiler:
Le cineaste deploie tous les efforts pour la mise en attente du spectateur qui
en veut confirmation.
Le spectateur, connaisseur ou pas, demeure intéressé par
l'idée de passer deux heures à la découvrir.
L'ensemble est
extrêmement ritualisé, à l'image d'une cérémonie religieuse.
On devine que la superstition dicte l'essentiel du
cérémonial de la tenue, la façon de fermer une porte de chambre d'hôtel (qu'on
ne reverra peut-être plus...), la manipulation d'un gobelet d'argent avec
lequel on se désaltère.
Évidemment, le film repose très largement sur le torero Andrés Roca Rey,
fascinant.
Dans ce monde d'hommes sur-testostéronnés, où l'on passe
son temps à s'encourager et se féliciter sur fond d'absolue vulgarité, il prend
tour à tour des allures de grand enfant, de séducteur, de femme, de
compétiteur, de star, de gourou, de fou furieux, etc. etc.
Les longueurs volontaires et indéniables du film nous
amènent à passer un temps considérable à ses côtés, jusqu'à avoir l'illusion
d'entretenir avec lui une profonde familiarité.
Les visages et attitudes de ses acolytes s'avèrent aussi
très prégnants.
On assiste a un prisme singulier sur le monde de la
corrida, abordé de manière factuelle, brute, crue, dans l'arène et en
coulisses.
Sans volonté de glorifier ni de condamner, sans lyrisme ni ironie manifeste, Albert Serra donne à voir et à entendre, au plus près des hommes et des taureaux (ces masses de muscles harcelées et mises à mort), au plus près des gestes et mimiques, des regards vides ou intenses, des mots triviaux ou vulgaires, au plus près du souffle, de la sueur, du sang et de la mort dans les yeux des animaux.
Plans et micros serrés.
Pas de vision globale du spectacle et des spectateurs.
Pas de discours en voix off.
Et donc pas de débat de fond (chacun, selon ses
convictions, trouvera ce qui est montré noble ou ridicule, beau ou monstrueux),
même si certaines situations ne flattent clairement pas les protagonistes (le
torero tel un prince narcissique au milieu d'une cour experte en flagornerie).
Ce film est avant tout une remarquable expérience visuelle et sonore, immersive, attentive aux détails d'un univers hyper codifié et ritualisé, fonctionnant en vase clos.
Le film cultive des paradoxes entre le raffinement des
tenues et la violence des actes, entre un virilisme affirmé et un homoérotisme
évident...
TARDES DE SOLEDAD est violent par ce qu'il montre sur le
taureau, mais aussi par ce que R.R. subit, et cela est très rarement narré.
En outre le film
met en évidence les sentiments de R.R., énorme angoisse et peur absolue à la mise à mort, état second indéchiffrable quand il est dans le mini bus ou dans sa chambre d'hôtel. Il semble presque stoned.On ressort de là avec l'étrange et contradictoire impression d'une pratique culturelle scandaleuse qui relève de la torture animale, tout en étant un rite quasi-mystique dont il faudrait préserver la tradition.
Et on ressort de là aussi avec la confirmation du talent
d'Albert Serra qu'on espère voir se prolonger et se confirmer dans de prochains
films de fiction.
Giulia Dobre
April 2025