OUI — le film qui dit oui à tout, sauf à la sobriété.
(ou comment Nadav Lapid a encore déclenché une guerre mondiale avec un travelling latéral)
Un film de Nadav Lapid.
Avec des gens qui hurlent, dansent, saignent, et accessoirement respirent.
Et Pierre, metteur en scène à la diction expérimentale — un homme dont le bégaiement est devenu un style visuel.
“Heu… on… on la… la… laisse tourner ?”
— Pierre, pendant la projection à Cannes (avant de vomir dans son tote bag).
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Synopsis (ou la version longue d’un malentendu collectif)
Y., musicien fauché et masochiste, et Jasmine, danseuse lumineuse mais fatiguée de tout (sauf de l’humiliation), décident de transformer leur art en service public de la soumission chic. Entre deux cocktails dégoulinants de décadence, ils lèchent symboliquement le pouvoir jusqu’à ce que mort, ennui ou honneurs s’ensuivent.
Et puis, miracle ! On leur demande de composer le nouvel hymne national.
Un peu comme si on confiait à Patrick Bruel la réécriture de “La Marseillaise”.
Résultat : un opéra baroque de sueur, d’égo, et de saillies pseudo-politiques.
Oui, Lapid fait du Lapid — mais cette fois, il a tourné le bouton du délire jusqu’à 11.
Critique : une claque, mais avec un gant de toilette.
Dès la première scène, on comprend : Lapid n’est pas là pour raconter, il est là pour exorciser.
La caméra tremble, la musique hurle, les acteurs se roulent dans la sangria comme dans le sang de leurs illusions, pendant que Pierre, notre héros en second plan, regarde tout ça, béat, et lâche :
> “Heu… c’est… c’est conceptuel, hein ?”
Oui, Pierre. C’est même trop conceptuel.
Chaque plan est une métaphore qui se croit plus intelligente que le spectateur.
Chaque phrase sonne comme un message codé de Dieu.
Et chaque cri semble hurler : “REGARDEZ COMME JE SUIS CINÉMATOGRAPHIQUEMENT TORTURÉ.”
À mi-chemin entre performance artistique et crise de panique filmée, “Oui” balance le spectateur entre extase et fou rire nerveux.
C’est du Lapid pur jus : une gifle esthétique qui te caresse d’abord la joue, puis te mord la carotide.
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Et Pierre, dans tout ça ?
Ah, Pierre.
Ce metteur en scène balbutiant, apôtre du “heu” et prophète du plan raté.
On le retrouve, perdu dans les coulisses, répétant ses répliques comme un disque rayé :
> “Oui… non… enfin… oui… non mais si… oui.”
Il incarne à lui seul toute la philosophie du film.
Le chaos articulé.
Le doute incarné.
Le “oui” dit avec l’intonation d’un “sauvez-moi”.
Certains disent que Lapid voulait un personnage secondaire tragique.
D’autres pensent juste que Pierre a oublié son texte.
Mais qu’importe : son hésitation est devenue l’âme du film.
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Deuxième acte : désert, poussière et symboles en overdose.
Lapid déplace tout ce petit monde dans un désert biblique, parce que, visiblement, filmer la déchéance humaine en intérieur, c’était trop facile.
Le sable vole, la caméra tourne, les acteurs crient à Dieu, au capitalisme, à la météo.
Et Pierre, lui, dans un coin, tente toujours de recadrer son plan :
“Heu… la colline… on la prend de profil, non ? Ou… heu… de face ?”
Un silence.
Puis Lapid crie :
“De face, Pierre ! C’est une métaphore de la culpabilité nationale, bordel !”
C’est du théâtre, c’est du cinéma, c’est du vaudeville sous amphétamines.
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Final : un grand “oui” cosmique
Le film se termine comme il a commencé : dans un chaos sublime et dérisoire.
Tout le monde pleure, tout le monde crie, tout le monde fait l’amour au concept de “nation blessée”.
Pierre, en post-générique, conclut :
“Heu… je… je crois qu’on a fini, là.”
Et le spectateur, hagard, se lève, mi-fasciné, mi-traumatisé.
Parce que oui, “Oui” est un film qui t’attrape par la gorge, te gifle, te parle d’art et de politique, puis t’abandonne en slip dans le désert de ton propre cynisme.
Lapid a encore frappé.
Et Pierre, balbutiant et magnifique, a survécu pour témoigner.
By Giulia Dobre
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