8.12.25

UN POÈTE — Poésie colombienne, alcool & autres produits nettoyants

 UN POÈTE — L’homme qui se prit pour un poème



Il existe des films qui commencent comme un lever de soleil,
d’autres comme un coup de poing,
et puis il y a ceux — comme Un Poeta — qui s’ouvrent comme une voiture neuve sortant d’un tunnel de lavage labyrinthique et délirant.
Tout scintille.
Tout ruisselle.
Tout semble fraîchement récuré, même si le conducteur, lui, est en morceaux.

Óscar — interprété avec une bravoure fragile par Ubeimar Ríos — fut autrefois poète.

Ou du moins, il publia jadis deux livres qui portaient encore l’odeur lointaine de la reconnaissance.

Aujourd’hui, quinquagénaire rejeté sur le rivage de la maison maternelle comme une marée survivante, il s’agrippe à son identité avec le désespoir de celui qui tient le seul parapluie dans une tempête indifférente.

Son insistance — « Un Poeta ! » — résonne comme une plaisanterie tragique, à mi-chemin entre les rêveurs égarés de Fellini, les doux naufragés de Kaurismäki et les héros solipsistes de Charlie Kaufman qui croient que l’univers n’est qu’un théâtre construit pour leur souffrance.

Mais c’est là que le scénario et les acteurs accomplissent leur miracle : chaque fois qu’Óscar glisse vers le mélodrame, le film lui donne une pichenette légère sur le front, avec humour.

Chaque désespoir reçoit l’écho d’un geste ridicule ;

chaque tragédie, un col de chemise de travers ou une métaphore mal choisie.

C’est comme si la caméra elle-même levait un sourcil.


La comédie d’un homme qui a oublié de grandir

Óscar nous est présenté comme un homme en désalignement permanent — cheveux en rébellion, dents en protestation, chemises qui semblent avoir fui un bac de soldes lors d’une émeute discrète.

Il parle de poésie comme d’autres parlent de religion — les yeux levés vers un ventilateur céleste, la voix chargée du poids sacré des syllabes.

La scène d’ouverture, où il se jette sur le lit de sa mère en criant qu’il ne sait rien faire d’autre qu’écrire des poèmes, relève du pur opéra tragicomique. Une scène qu’on pourrait diffuser au ralenti, accompagnée de Puccini — si seulement son unique spectatrice n’était pas sa mère épuisée… et nous, déjà en train d’étouffer un rire.

Simón Mesa Soto, pour son second long métrage, manie le ton comme un violoniste manie l’archet.

La transition du dramatique à l’absurde est si fluide qu’elle évoque Buñuel, Roy Andersson et parfois la compassion espiègle des premiers Almodóvar. Chaque situation abrite une blague qui tremble sous sa tragédie.

Óscar, versant de l’alcool dans son thermos avant un cours, devient une métaphore ambulante : un homme tentant de désinfecter sa journée avec son antiseptique personnel.

Ses monologues aux élèves — mi-philosophie, mi-nonsense — sont à la fois hilarants et déchirants. On rit, mais avec l’inconfort de se dire qu’un jour, nous pourrions lui ressembler.


L’étincelle nommée Yurlady

Puis arrive Yurlady — quinze ans, talentueuse, lumineuse.
Une poète déguisée en adolescente.
Une étincelle dans l’univers rassis d’Óscar.

Sa présence ressemble à un retournement de troisième acte dans un film de Truffaut, une bourrasque de vie dans une pièce où il y a trop peu de fenêtres.

Óscar, soudain réveillé, se remet à briller — fraîchement rincé, comme cette voiture quittant le tunnel de lavage, phares étincelants de l’illusion que tout est encore possible.

Il entrevoit une mission. Un destin.
Faire de Yurlady une grande poète.
Se ressusciter à travers son talent.

Mais, tel un personnage d’une comédie des frères Coen, les nobles intentions d’Óscar sombrent dans le chaos.

Il trébuche.

Il comprend de travers.

Il pousse là où il devrait écouter.

La situation se déplie en scènes d’absurdité délicieuse, comme si le destin était monté par un monteur malicieux amateur de jump cuts.

Ses pairs littéraires le rejettent.
Il supplie un libraire de ressusciter ses ouvrages oubliés.
Il tempête contre le monde comme s’il s’agissait d’une strophe mal écrite.


Un poème de classe, d’ego et de rêves fragiles

Et soudain, le film s’élargit.
Il devient fresque.

L’appartement surpeuplé de Yurlady, vibrant de vie, devient un univers parallèle. Un endroit où la poésie n’est pas une crise de carrière mais un luxe que personne n’a demandé. Ici, le film gagne en acuité sociale sans perdre son élégance absurde.

Le scénario navigue ces contradictions avec la grâce d’un funambule.
Nous comprenons chacune des erreurs d’Óscar.
Nous voyons venir chaque catastrophe.
Nous le regardons s’y précipiter quand même —
un Don Quichotte sans cheval,
tiltant contre des moulins faits de papier et de vers à moitié oubliés.


Conclusion : un film sur la beauté ridicule du désir

Un Poeta est, au fond, l’histoire d’un homme qui veut trop et trop peu à la fois.
Un film qui rit de sa propre tristesse.
Un poème déguisé en comédie déguisée en tragédie.
La chronique d’un homme que le monde lave, fait briller une seconde, puis recouvre de boue avant le générique.

C’est drôle, tendre, cruel, magnifiquement joué, superbement écrit —
et comme tout grand film sur les rêveurs fracassés,
il vous laisse vous demander si un poète est quelqu’un qui écrit des vers,
ou simplement quelqu’un qui refuse d’arrêter de rêver,
même quand le tunnel de lavage se referme déjà derrière lui.

Par Giulia Dobre
17 novembre 2025
Paris

7.12.25

1 Decembrie 2025 – Subcarpați la Odeon: când Parisul a dansat românește

 

1 Decembrie 2025 – Subcarpați la Odeon: când Parisul a dansat românește


Pe 1 Decembrie 2025, Subcarpați au transformat Teatrul Odeon din Paris, templul culturii europene, într-un univers paralel în care timpul și spațiul s-au topit ca ceara unei lumânări aprinse de Caravaggio. 

Dacă cineva ar fi pictat acea seară, probabil că ar fi combinat clar-obscurul lui Caravaggio cu dramatismul sculpturii Laocoon: trupuri tensionate, brațe ridicate spre cer, inimi care se frământă și se deschid sub ritmuri ancestrale.

Eu, venetica prin fire și cu pașaport francez în buzunar, m-am trezit pentru prima dată cu sufletul înmuiat într-o căldură neașteptată, ca o mămăligă a emoției, servită fierbinte în inimile francezilor curioși și ale românilor nostalgici. 

Am simțit că, de fapt, nu exilul geografic contează, ci exilul interior — iar acolo, în Odeon, pentru câteva ore, eram acasă.

Sunetele aduse pe scenă erau o geografie muzicală a României, ca și cum Amintiri din Epoca de Aur s-ar fi întâlnit cu un beat urban, iar folclorul ar fi făcut un cameo în The Grand Budapest Hotel

Munți și dealuri, câmpii și ape, caval, tambal, tobe, synth-uri: fiecare notă era o navă care te transporta prin vremuri și spații diferite, prin sate, orașe, piețe și săli de dans imaginare.

Și publicul… oh, publicul!

  Trei etaje întregi de suflete vii, de români, de jumătăți de români și de francezi cu spirit curios, care au uitat de ordine și etichetă. 

Am cântat și am dansat, am râs și am plâns, transformând Odeonul într-un mare horă verticală, un fel de bal mascat unde fiecare participant era simultan actor, spectator și dansator.

Iar pe scenă, oamenii care făceau muzica să fie mai mult decât muzică:
Bean, șaman urban și povestitor de mituri;
AFO și Radu Pieloi, arhitecți de vibrații și punți între lumi;
Valentin Mușat și Ioana Milculeșcu, lumini vii care pătrund printre umbrele teatrului;
Matei Vasilescu la țambal, care deschide porțile între trecut și prezent cu fiecare ciupitură;
Gabi Groza la caval, care aducea aerul Carpaților printre coloanele Odeonului;
Beniamin Ambarus la dobă și backing vocal, pulsul emoției pure, ritmul inimii colective.

Nu a fost doar un concert. 

Nu a fost doar un spectacol. 

A fost o expresie colectivă de terapie prin emoție, un ritual al bucuriei și al curățării interioare.

 Fiecare notă, fiecare respirație, fiecare pas de dans te spăla pe interior, te înălța și te făcea să simți că ești parte dintr-o poveste mai mare decât tine.

La un moment dat, am avut senzația că Laocoon însuși privea scena de sus, cu brațele întinse și mușchii încordați, în timp ce Caravaggio ajusta lumina, și fiecare român prezent era o mică figură sculptată în acel tablou viu, fiecare francez o oglindă care reflecta pulsul românesc.

Și când am plecat, la final, am realizat că acasă nu este neapărat un loc, ci un moment, un sunet, un dans, o energie care te cuprinde. 

Acea seară de 1 Decembrie 2025 a fost acasă.

 În Odeon. 

Cu Subcarpați. 

Cu caval, tambal și tobe. 

Cu râs, cu lacrimi, cu suflete deschise și pași care nu voiau să se oprească.

Parisul a dansat românește. Și eu am dansat cu el.


De Giulia Dobre

Paris

Decembrie 4, 2025











La Reine Margot : la soie, la chair et le couteau

 La Reine Margot ou quand l’Histoire sue en clair-obscur



En 1994, La Reine Margot déboule dans le cinéma français comme un Caravage qui aurait renversé un pot de sang sur un film en costumes BBC. 

Fini le patrimoine empesé : ici, on ne regarde pas l’Histoire, on la sent. 

Elle a une odeur. 

Et parfois, une légère haleine de poison.

Les palais ne sont plus des décors, mais des organismes vivants : ça respire, ça complote, ça transpire. On ne se croirait pas dans un film historique, mais dans un mariage improbable entre Visconti, Pasolini et un musée qui aurait perdu le contrôle de ses statues.

En 1572, la France est en mode tragédie grecque sous stéroïdes.

Le roi est un figurant de sa propre monarchie, Catherine de Médicis règne comme une déesse froide, et Margot—Isabelle Adjani, beauté quasi métaphysique—est mariée à Henri de Navarre (Daniel Auteuil) pour faire la paix. 

Traduction : scotcher un pansement doré sur une plaie en gangrène.


Quand survient la Saint-Barthélemy, le film bascule en peinture vivante. 

Ce n’est plus du cinéma, c’est une salle du Louvre qui aurait pris feu. 

Les corps chutent avec la noblesse du Laocoon, les visages sont sculptés par la lumière comme des marbres baroques, et Patrice Chéreau filme tout cela comme s’il dirigeait un opéra de chair. 

Le sang n’est pas un effet : c’est un pigment.

Et quel musée humain.



Isabelle Adjani est sidérante : une Margot à mi-chemin entre tragédienne racinienne et créature baroque. Ses scènes les plus scandaleuses sont jouées avec une telle intelligence plastique qu’on n’est jamais dans le voyeurisme mais dans une sorte de performance d’art contemporain avant l’heure.

Daniel Auteuil donne à Henri de Navarre un mélange parfait d’instinct animal et de survie politique.

Jean-Hugues Anglade
, Pascal Greggory, Johan Leysen, Julien Rassam et Thomas Kretschmann ressemblent à une galerie de bustes romains légèrement détraqués : chacun a une tête faite pour la trahison de luxe.




Vincent Perez, en La Môle, joue l’amant comme on joue un personnage de Stendhal sous valium baroque : fragile, brûlant, sublime.



Et puis il y a Virna Lisi, Catherine de Médicis en reine de glace : un mélange de Machiavelli, de Médée et de directrice des ressources humaines de l’Apocalypse. Son prix à Cannes tient moins de la récompense que du constat scientifique.


Asia Argento, en Charlotte de Sauve, ajoute une note de tragédie façon tableau préraphaélite : belle, fatale, déjà fantôme.



Visuellement, le film est un festin d’Histoire de l’art :
Philippe Rousselot éclaire les scènes comme si Le Caravage avait investi une école de cinéma.

Goran Bregović compose une musique qui ressemble à un cœur baroque sous amphétamines.

Moidele Bickel habille tout ce monde comme si Balenciaga avait collaboré avec l’Inquisition.


Le résultat : un objet filmique non identifié, cousin de Barry Lyndon, de Elizabeth et des grandes fresques shakespeariennes revisitées par un metteur en scène qui aime la chair, la sueur et les vérités qui piquent.

Et aujourd’hui, miracle laïque : La Reine Margot revient dans les cinémas français en version restaurée, image et son rutilants. 

Non pas un simple ravalement de façade, mais une véritable restauration de fresque, comme quand on enlève trois siècles de crasse à une chapelle Sixtine version gothique.

Bref : c’est de l’Histoire.
De l’Art.
Et beaucoup de sueur.

Par Giulia Dobre
Paris, le 7 decembre 2025.

https://youtu.be/HIBfX5D1Um4?si=NmpV6wvnTos6WHSz



30.11.25

Poesía, Minimalismo y Cerebro Detonado: Así Llega UN POETA, Este Nuevo Cañonazo Colombiano

 UN POETA — El hombre que se confundió consigo mismo y con un poema

Hay películas que empiezan como un amanecer,

otras como un puñetazo,

y luego están las que—como Un Poeta—arrancan como un carro recién salido de un delirante túnel de lavado.

Todo brilla.
Todo gotea.
Todo parece recién fregado… aunque el conductor sea un desastre ambulante.

Óscar—interpretado con una valentía frágil por Ubeimar Ríos—fue poeta.

O bueno, al menos publicó un par de libros que olían lejanamente a reconocimiento.

Ahora, ya cincuentón y devuelto a la casa de su madre como una ola cansada, se aferra a su identidad con la desesperación de quien sostiene el único paraguas en una tormenta que ni lo registra.

Su insistencia—“¡Un Poeta!”—resuena como un chiste trágico, entre los soñadores extraviados de Fellini, los adorables perdedores de Kaurismäki y los héroes solipsistas de Charlie Kaufman, convencidos de que el universo es un teatro construido solo para su sufrimiento.

Pero aquí es donde el fabuloso guion y las actuaciones obran su milagro: cada vez que Óscar se hunde en el melodrama, la película le da un golpecito en la frente con humor.

Cada desesperación tiene su gesto ridículo;

cada tragedia, un cuello de camisa torcido o una metáfora mal escogida.

Es como si la cámara misma levantara una ceja.


La comedia de un hombre que se le olvidó crecer

Óscar aparece como un tipo permanentemente desalineado—el pelo en rebelión, los dientes en protesta, camisas que parecen fugadas de un remate durante un pequeño motín.

Habla de poesía como otros hablan de religión—con los ojos elevados hacia un ventilador celeste, la voz temblando bajo el peso sagrado de las sílabas.

La escena inicial, cuando se desploma sobre la cama de su madre y grita que no puede hacer nada más que escribir poemas, es ópera tragicómica pura. Una escena para ponerse en cámara lenta con Puccini de fondo… salvo que su única audiencia es su madre exhausta—y nosotros, ya conteniendo la risa.

Simón Mesa Soto, en su segundo largometraje, maneja el tono como un violinista su arco.

El paso de lo dramático a lo absurdo es tan fluido que recuerda a Buñuel, Roy Andersson y, por momentos, a la compasión traviesa de los primeros filmes de Almodóvar. Cada situación lleva un chiste temblando debajo de su tragedia.

Óscar, vertiendo alcohol en su termo antes de dar clase, se vuelve una metáfora ambulante: un hombre intentando desinfectar el día con un antiséptico personal.

Sus monólogos a los estudiantes—mitad filosofía, mitad disparate—son hilarantes y desgarradores a la vez. Reímos, sí, pero con la incómoda sospecha de que cualquiera podría terminar así.


La chispa llamada Yurlady

Y entonces aparece Yurlady—quince años, talento puro, luminosa.
Una poeta disfrazada de adolescente.
Una chispa en el universo rancio de Óscar.

Su presencia parece un giro de tercer acto sacado de una película de Truffaut, una bocanada de vida en un cuarto con muy pocas ventanas.

Óscar, súbitamente espabilado, vuelve a brillar—como ese carro saliendo del túnel de lavado, faros encendidos por la ilusión de que todo es posible.

Ve una misión. Un destino.
Convertir a Yurlady en gran poeta.
Resucitarse a través de su talento.

Pero como en una comedia de los hermanos Coen, sus nobles intenciones se desploman en caos.

Da pasos en falso.
Malinterpreta.
Empuja cuando debería escuchar.

Todo se deshilacha en escenas de delicioso absurdo, como si el destino estuviera montado por un editor travieso con obsesión por los jump cuts.

Sus colegas literarios lo rechazan.
Suplican al librero que reviva sus volúmenes olvidados.
Arremete contra el mundo como si fuera una estrofa mal escrita.


Un poema de clase, ego y sueños frágiles

Y entonces la película se abre.
Se vuelve un fresco.

El apartamento atiborrado de Yurlady, vibrante de vida, es un universo paralelo. Un lugar donde la poesía no es una crisis vocacional sino un lujo que nadie pidió. Aquí, el filme se vuelve más agudo, más social, sin perder su elegante absurdo.

El guion camina estas contradicciones con la gracia de un equilibrista.
Entendemos cada error de Óscar.
Predecimos cada desastre.
Lo vemos marchar directo hacia ellos—
un Don Quijote sin caballo,
embistiendo molinos hechos de papel y versos medio olvidados.


Conclusión: Una película sobre la ridícula belleza de desear

Un Poeta es, al final, la historia de un hombre que quiere demasiado y demasiado poco al mismo tiempo.
Una película que se ríe de su propia tristeza.
Un poema disfrazado de comedia disfrazada de tragedia.
La crónica de un hombre recién enjuagado por la vida, brillando un segundo, y lleno de barro otra vez antes de que caigan los créditos.


Es divertida, tierna, cruel, fabulosa en sus actuaciones y filosa en su guion—
y como toda gran película sobre soñadores rotos,

te deja preguntándote si un poeta es alguien que escribe versos

o simplemente alguien que se niega a dejar de soñar,
incluso cuando la realidad ya está cerrando el túnel de lavado detrás de él.

Por Giulia Dobre
17 de noviembre de 2025
París

27.11.25

This Isn’t Your Grandma’s Chekhov: Seagull 2.0—Now With Extra Madness! UNE MOUETTE at LA COMEDIE FRANCAISE in Paris

 A Seagull at the Comédie-Française:

An Opera of Ego, a Storm of Souls, a Black Miracle
A fiery chronicle of a show that left me in smoking ashes



I walked out of A Seagull at the Comédie-Française like someone emerging from a typhoon: hair disheveled, pierced through, drenched… and yet, strangely happy.

Yes, I declare it loud and clear, with a tear in the corner of my eye: this is the most exhausting, gripping, and moving show I’ve ever seen in my life. You leave with the feeling that you’ve not experienced 2.5 hours of theater, but rather an express reincarnation.

Elsa Granat, armed with Chekhov, charges headfirst into humanity and its swampy zones. She turns it into a kind of emotional voodoo ritual where egos devour each other with a teaspoon. No one is breathing. And neither are you. We’re caught in a whirlwind that feels like a therapy group… if that therapy group was run by a volcano.

An opera of unease (but more fun than it sounds)

Here, Chekhov isn’t just contemporary: he’s downright radioactive.
The characters look into distorting mirrors, where only one thing shines: their own belly buttons, in 8K HDR.

Arkadina (Marina Hands, INCANDESCENT, incandescentified, incandescent+++), plays vanity like a musical instrument, with an almost obscene pleasure.

Trigorin (Loïc Corbery) is the type who sighs over his lost genius, but without forgetting to seduce along the way.

Treplev (Julien Frison) burns to invent a new theater but seems to have invented a new form of unease instead.

Nina (Adeline d'Hermy) runs toward art like others run toward a cliff.

Everyone speaks. No one listens.

You start to wonder if this is the first play ever composed entirely of Zoom calls, where everyone has muted each other.

And suddenly, Dorn: human breath in the quicksilver

Fortunately, Dorn (Nicolas Lormeau) appears, a doctor as gentle as a cloud, who manages to be human in a world where everyone is screaming inwardly.
He listens.
He understands.
He doesn’t judge.
Honestly, the first figure of altruism I’ve seen in weeks in a theater.
In this emotional chaos, he’s the herbal tea in a world of double espressos.

Elsa Granat: director or heart surgeon?

With her prologue on childhood, her torn dream-like set design, her raw lighting, Elsa Granat doesn’t just direct: she opens the play like a treasure chest of secrets and exposes everything to the sun.
Some are shouting genius.
Others are just shouting.
But no one remains indifferent.

We dive into a world where women—Arkadina, Nina, Macha—become archaeologists of their own passions, digging through their guts like searching for a treasure that may not even exist.

The men? 

It’s hard to say if they’re weak, lost, endearing, or just… overwhelmed.
Probably all of that at once.

The theater laid bare (and us with it)

What A Seagull achieves is a rare magic:
It holds up a mirror that isn’t flattering, but one you can’t look away from.
It shows what we all do when we think we’re loving, creating, or existing: we wrestle with our ego like a cat with a ball of yarn.
We tire.
We stray.
We begin again.

Granat tells us:
There remains the possibility of Dorn. The possibility of the other.
And honestly, after 2.5 hours of emotional roller coasters, I’ll take it.

In summary: buckle up.
This Seagull is not tame.
It is not comfortable.
It is not polite.

It is alive.
It is burning.
And it bites.

It’s a total experience: a show that sucks out your spine, shakes it, and then gives it back—transformed.

I don’t know if this Seagull will ever (to use Chekhov’s beautiful phrase) spread its wings.
But I know this: it literally blew me away.

You think you know Chekhov?
You know nothing.

Granat shakes you like a cocktail shaker, and when she puts you back down, you’ve become someone else.

This Seagull doesn’t spread its wings.
It rips you off the ground, shakes you at 300 km/h, then releases you in the Richelieu theater like a soaking wet cotton bag.

I am broken.
I am happy.
I’m going back.

— By Giulia Dobre
Paris, November 2025



Adaptation and direction by Elsa Granat
Translation by André Markowicz and Françoise Morvan
With Julie Sicard, Loïc Corbery, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Julien Frison, Marina Hands, Birane Ba, Dominique Parent, and the Comédie-Française Academy: Édouard Blaimont and Blanche Sottou
Also starring Abel Bravard, Noam Butel, Sandro Butel, Marcus Grau as child Treplev (alternating)
Gabrielle Christophorov, Jeanne Mitre, Robin, Suzanne Morgensztern, Olympe Renard as child Macha (alternating)
Dramaturgy by Laure Grisinger
Set design by Suzanne Barbaud
Costumes by Marion Moinet
Lighting by Vera Martins
Sound by John M. Warts
Assistant director – Laurence Kélépikis
Assistant direction – Aristeo Tordesillas, Assistant set design – Anaïs Levieil, Assistant costumes – Aurélia Bonaque Ferrat

Quand Une Mouette à la Comédie-Française dévore le soleil et moi avec

 


Une Mouette à la Comédie-Française : 

opéra d’ego, tempête d’âmes, miracle noir

Chronique en feu pour un spectacle qui m’a laissé en cendres fumantes




Je sors de Une Mouette à la Comédie-Française comme on sort d’un typhon : décoiffée, transpercée, rincée… et pourtant étrangement heureuse. 

Oui, je le déclare haut, fort et avec une petite larme au coin de l’œil : c’est le spectacle le plus exténuant, happant et émouvant que j’aie vu de ma vie. On en ressort avec l’impression d’avoir vécu non pas 2h30 de théâtre, mais une réincarnation express.

Elsa Granat, armée de Tchekhov, fonce tête baissée dans l’humanité et ses zones marécageuses. Elle en fait une sorte de rituel vaudou émotionnel où les ego s’entre-dévorent à la petite cuillère. Plus personne ne respire. Et toi non plus. On est embarqué dans un tourbillon qui ressemble à un groupe de thérapie… si la thérapie était dirigée par un volcan.

Un opéra du mal-être (mais en plus fun que ça en a l’air)

Ici, Tchekhov n’est pas juste contemporain : il est carrément radioactif.
Les personnages se regardent dans des miroirs déformants où ne brille qu’une chose : leur propre nombril, en 8K HDR.

  • Arkadina (Marina Hands, INCANDESCENTE, incandescentifiée, incandescente+++) joue la vanité comme on joue d’un instrument, avec un plaisir presque obscène.

  • Trigorine (Loïc Corbery), c’est le type qui soupire sur son génie perdu, mais sans oublier de séduire au passage.

  • Tréplev (Julien Frison) brûle d’inventer un nouveau théâtre, mais semble surtout avoir inventé un nouveau mode de mal-être.

  • Nina (Adeline d’Hermy) court vers l’art comme d’autres courent vers un précipice.

Tout le monde parle. Personne ne s’écoute.
C’est à se demander si on n’assiste pas à la première pièce entièrement composée d’appels Zoom où chacun a coupé le micro des autres.

Et soudain, Dorn : la respiration humaine au milieu du vif-argent

Heureusement, surgit Dorn (Nicolas Lormeau), ce médecin doux comme un nuage, qui parvient à être humain dans un environnement où tout le monde hurle intérieurement.
Il écoute.
Il comprend.
Il ne juge pas.
Franchement, la première figure d’altruisme depuis des semaines dans un théâtre.
Dans ce chaos émotionnel, il est la tisane dans un monde de doubles expressos.

Elsa Granat : metteur en scène ou chirurgienne a cœur ouvert?

Avec son prologue sur l’enfance, sa scénographie de rêve déchiré, ses lumières crues, Elsa Granat ne met pas seulement en scène : elle ouvre la pièce comme un coffre à secrets et expose tout au soleil.
Certains crient au génie.
D’autres crient tout court.
Mais personne ne reste indifférent.

On plonge dans un univers où les femmes — Arkadina, Nina, Macha — deviennent les archéologues de leurs propres passions, fouillant leurs tripes comme on cherche un trésor qui n’existe peut-être pas.
Les hommes ? On ne sait pas s’ils sont veules, perdus, attachants ou juste… dépassés.
Probablement tout ça à la fois.

Le théâtre mis à nu (et nous avec)

Ce que réussit Una Mouette, c’est une magie rare :
elle nous tend un miroir qui n’est pas aimable, mais dont on ne peut pas détourner les yeux.
Elle montre ce qu’on fait tous quand on croit aimer, créer, exister : on se débat avec notre ego comme un chat avec une balle de laine.
On se fatigue.
On s’égare.
On recommence.

Granat nous dit :
Il reste la possibilité de Dorn. La possibilité de l’autre.
Et franchement, après 2h30 de montagnes russes émotionnelles, je prends.

En résumé :  attachez votre ceinture.

Cette Mouette n’est pas sage.
Elle n’est pas confortable.
Elle n’est pas polie.

Elle est vivante.
Brûlante.
Et elle mord.

C’est une expérience totale : un spectacle qui vous aspire la moelle épinière, la secoue, puis vous la rend — transformée.

Je ne sais pas si cette Mouette finira (selon la belle formule tchékhovienne) par prendre son envol.

Mais moi, je sais qu’elle m’a littéralement soufflee.

Tu crois connaître Tchekhov ?

Tu ne connais rien.


Granat te secoue comme un shaker à cocktail et quand elle te repose, tu es devenu quelqu’un d’autre.

Cette Mouette ne prend pas son envol.
Elle t'arrache au sol, te secoue à 300 km/h, puis te relâche dans la salle Richelieu comme un sac de coton trempé.

Je suis brisée.
Je suis heureuse.
J’y retourne.


Par Giulia Dobre

Paris, Novembre 2025.

https://youtu.be/LeQ_YrSHAmc


24.11.25

Pétrole : le Theatre de l'Odéon prend feu, mais l’alarme ne sonne pas – trop beau pour interrompre.

 

Pétrole à l’Odéon :

Spectateurs lessivés, acteurs en transe : mission accomplie au royaume Pasolini


Avec Pétrole, Sylvain Creuzevault ne met pas en scène un roman – il met en scène un tournage en direct de la vision du monde de Pasolini.

L’Odéon devient à la fois plateau de cinéma, confessional et salle d’autopsie judiciaire de l’homme moderne.

Ici, le public ne regarde pas une pièce :
il assiste à une caméra pasolinienne qui dissèque l’âme humaine en temps réel.
Et c’est beau, violent, drôle, et… extrêmement douloureux.

Dès les premières minutes, la signature est claire.
Comme dans Médée, Théorème ou Salò, Creuzevault dit non au confort psychologique et aux belles histoires bien arrondies.
Il montre le monde tel que Pasolini le voyait :
violent, politique, mystique, érotique et totalement impitoyable avec qui ose rester humain.

 Cinéma sur scène – au sens littéral:

La première claque de Pétrole, c’est son dispositif cinématographique, concret, assumé, presque technique.
Les caméras rôdent entre les acteurs, et le chef op est carrément sur scène, comme un personnage de plus –
visible, actif, essentiel.

On assiste alors à :

  • de gros plans projetés en direct, comme si le plateau devenait le microscope émotionnel de Théorème, révélant chaque frisson de désespoir ;

  • des vues en plongée, une sorte de vision divine made by drone, regard glacé d’un Dieu contrôleur qui observe mais ne sauve pas –
    une obsession pasolinienne qui rappelle L’Évangile selon Saint Matthieu ;

  • des cadres latéraux, comme un dialogue silencieux entre conscience, personnage et spectateur.

  • Ici, le public ne regarde pas de l’extérieur :

  • il est l’autre moitié du cadre.

Le spectacle avance comme un film monté non pas par le montage, mais par la présence humaine.

Quand tout Pasolini remonte à la surface

Creuzevault n’adapte pas le roman :
il laisse tout l’univers cinématographique de Pasolini remonter sur scène.
Nom de personnages, clins d’œil, titres de films – tout réapparaît comme des revenants échappés d’une filmographie encore brûlante.

Cela crée une double sensation :

  • l’histoire de Carlo Valletti,

  • et l’impression que tous les personnages pasoliniens – d'Accattone à Mamma Roma – regardent des coulisses en hochant la tête :
    “Oui, mon vieux, nous aussi, on connaît ça…”

L’Italie des années 70 devient notre monde d’aujourd’hui sans aucune mise à jour.
Les blessures sont les mêmes.

Carlo, martyr magnifique du loser contemporain

Carlo Valletti – divisé en Carlo I et Carlo II – n’est pas un héros tragique classique.
Il est bien plus moderne :
un homme vidé de sa volonté, broyé par un monde qui ne connaît plus les individus, seulement les fonctions.

Carlo I grimpe les échelons chez ENI,
mais l’échelle est recouverte de pétrole brut.
Chaque marche ressemble à une sanction disciplinaire invisible.

Carlo II se jette corps et âme dans les plaisirs,
comme tant de personnages pasoliniens,
mais le corps ne répond plus :
il réclame juste davantage, encore et encore.

Les deux s’effondrent – mais avec une beauté stupéfiante.


Pasolini avait vu venir notre époque :

celle où l’être humain devient une ressource consommable.
Creuzevault le montre sans détour :
Carlo n’est pas humilié –
il est traité, digéré par la machine capitaliste et la solitude.

Qu’il vive dans l’Italie de 1975 ou le Paris de 2025 ne change rien :
la tragédie reste identique.

Et alors, parlons du casting – debout, chapeau en l’air

Parce que Sharif Andoura, Pauline Bélier, Gabriel Dahmani, Boutaïna El Fekkak, Pierre-Félix Gravière, Anne-Lise Heimburger, Arthur Igual et Sébastien Lefebvre, c’est un truc à part.

On n’a pas souvent vu des acteurs aussi engagés, aussi héroïques dans leur abandon.

Ils ne jouent pas :
ils filtrent leur sang sur scène.

Ils traversent trois heures trente d’enfer avec :

  • la bravoure de combattants,

  • la précision de chirurgiens,

  • la folie douce de ceux qui sont déjà allés trop loin pour reculer.

Ils meurent et ressuscitent plus souvent par soirée que tout le répertoire de Shakespeare réuni.

Si Pétrole brûle,
c’est parce qu’ils continuent à se jeter dans les flammes
incandescents, habités, inoubliables.



 Un récit en miettes – comme la vie

Le spectacle dure 3h30 mais avance comme un rêve lucide,
un monologue intérieur au bord de la rupture.

La fameuse “discontinuité des formes” de Pasolini devient :

  • enquête politique,

  • dérive ésotérique,

  • théâtre documentaire,

  • méditation philosophique,

  • humour cruel qui tombe après coup – quand ça fait déjà mal.

Dans une autre mise en scène, cela pourrait sembler gratuit.
Ici, la caméra relie tout,
comme un système nerveux sous tension.

Pour spectateurs capables d’encaisser la vérité

Ce n’est pas un théâtre “gentil”.
C’est un théâtre qui te saisit par le col et te murmure :

“Regarde.
Voilà ce que nous sommes devenus.
Nous sommes tous Carlo, maintenant.”

Et étrangement –
ou logiquement –
Pétrole est exaltant.

Une tragédie sans catharsis, mais qui n’en a pas besoin.
Une douleur chirurgicale et noble.
Un requiem pour une civilisation qui prend l’humain pour un article de stock.

Verdict



Le Pétrole de Creuzevault, c’est du cinéma théâtral pur :
pas une imitation,
mais une incarnation.

Une œuvre qui connaît Pasolini suffisamment pour poursuivre sa filmographie par d’autres moyens.

La présence du chef op sur scène n’est pas un gimmick.
C’est un manifeste :

  • nous sommes filmés,

  • nous sommes visibles,

  • nous sommes responsables,

  • et personne n’est épargné.

Un spectacle magnifique, dévorant, nécessaire.
Pasolini l’aurait reconnu immédiatement –
non pas comme un hommage,
mais comme une continuation.

Giulia Dobre
Paris,
24 novembre 2025


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